20 Apr

UNE ENFANCE

La grande Juliette affirme dans une de ses chansons que « l’enfance est un parfum tenace », et je suis d’accord avec elle. J’ai déjà abordé dans ces lignes le thème des souvenirs, mais je voudrais, si vous me le permettez, revenir sur le sujet. Je rentre tout juste d’une promenade froide mais ensoleillée, et au détour d’un chemin, un arbre m’interpelle, en quelque sorte. Comme si un souvenir s’était pris dans ses branches encore nues. 

A childhood The great Juliette claims in one of her songs that  « childhood is a persistent perfume », and I agree with her. I have already tackled the theme of memories in these lines, but I would like, if you’ll let me, to come back to that topic. I am just back from a cold but sunny walk, and just round the corner, a tree calls to me, so to speak. As if a memory got caught in its still bare branches. 

Je m’arrête et lève les yeux. La forme de cet arbre, ce ciel bleu, l’espace tout autour de moi, tout me parle. Et soudain, je comprends : je suis de retour à Cousance et j’ai à peine 10 ans. Je suis dans le jardin de la maison où j’habite avec mes parents et mon petit frère, encore un petit bout. Moi, j’ai mes soldats en plastique, rangés sagement, qui attendent le feu des canons sous la forme de billes, avec lesquelles je bombarde ces bonhommes qui n’ont rien demandé.

I stop and gaze up. The shape of this tree, the blue sky, the space around me, it all speaks to me. And suddenly, I get it : I am back in Cousance, and I am barely 10 years old. I am in the garden of the house where I live with my parents and my younger brother, who’s just a tot. As for me, I’ve got my plastic soldiers, all in a quiet line, waiting for cannon fire in the shape of marbles, with which I am bombarding these men, who didn’t call for it.

Un peu plus loin, là, sur le bord du chemin, il y a une dépression dans la terre sèche, comme celle que nous devions remplir de billes, en jouant « au trou ». C’est à peine un trou, mais c’est tout ce dont j’ai besoin pour que cet autre souvenir ne surgisse. Je suis cette fois dans la cour de l’église, sous les tilleuls qui abritent le monument aux soldats tombés pour la patrie. Mes amis et moi, tous gamins, jouons dehors du soir au matin, sous l’œil attentif du plus grand des Martin, un ado. 

A little bit further, at the edge of the path, there’s a depression in the dry earth, like the one we had to fill with marbles, playing « au trou ». It is barely a hole, but it is all I need for another memory to gush forth. This time I am in the churchyard, under the lime trees sheltering the monument to the soldiers who fell for France. My friends and I, all kids, are playing outside from morning to night, under the watchful eye of the oldest of the Martins, a teenager. 

Le grand Martin, c’est un peu le chef de cette bande de mômes qui, pendant les vacances scolaires, vadrouillent dans les rues de cette petite ville calme. En remontant la rue à partir de la Poste, on tombe d’abord sur la maison des Martin. En haut, avant de tourner à gauche, on récupère les Bourdrix, dont le père est tailleur de pierre et a des mains immenses. Et enfin, à côté de l’usine, on retrouve mon copain Boris. Quelquefois, il a le droit d’entraîner son chien Jip dans nos aventures.

Martin the Elder, he’s like the boss of that gang of kids who, during the summer holidays, roam the street of this quiet little town. Going up the street from the post office, you first find the Martins’ home. At the top, before you turn left, we collect the Bourdrix, whose dad is a stone mason and has huge hands. And finally, next to the factory, we meet my pal Boris. Sometimes, he’s allowed to drag Jip, his dog, into our adventures. 

Ce ne sont que des petits riens, mais j’y tiens, à ces souvenirs. Je suis content que le parfum des mûres cueillies au retour de l’une de nos expéditions me remplisse toujours les narines. Je revois encore mon vélo orange, abandonné en grande hâte contre le mur, car j’étais trop pressé pour le ranger : mon goûter m’attendait dans la cuisine. Une grosse tartine beurrée et un gros bout de chocolat, vite dévorés. Me voilà nostalgique, alors j’espère que dès demain, une autre promenade me laissera parcourir à nouveau le chemin des souvenirs. A bientôt.

These are only details, but these memories are dear to me. I am glad that the perfume of the blackberries collected on the way back from one of our expeditions still lingers. I can still see my orange bike, hastily abandoned against the wall, as I was too much in a hurry to put it away : my snack was waiting for me in the kitchen. A fat buttered slice of bread and a chunk of chocolate, quickly devoured. Here I am, all nostalgic, so I hope that as early as tomorrow, another walk will again lead me down memory lane. See you soon !